Sujet technique : L’hydrogène
La démarche
L’hydrogène, qu’est-ce que c’est ?
Le dihydrogène – communément appelé hydrogène – est une molécule composée de deux atomes d’hydrogène. C’est un gaz transparent, qui a les caractéristiques suivantes :
- Très léger. Sous une pression de 100 bar et à température ambiante, il pèse environ 8,5 kg par m3. Pour comparaison, sous une même pression l’air pèse 123 kg/m3.
- Liquide à très basse température. A pression atmosphérique, l’hydrogène devient liquide à 20,3 Kelvin, soit -252,9°C. C’est beaucoup plus bas que l’azote (77,4 Kelvin) ou l’oxygène (90,2 Kelvin).
- Corrosif. Du fait de la petite taille de la molécule d’hydrogène, c’est un gaz qui fragilise certaines nuances d’aciers avec lesquels il est en contact de manière prolongée.
- Inflammable et explosif. C’est un très bon combustible qui est capable de s’enflammer dès 4,1 % et jusqu’à 74,8 % en volume dans de l’air et avec une vitesse de flamme élevée, ce qui en fait un des gaz les plus contraignants vis-à-vis des contraintes ATEX.
L’hydrogène peut être vu comme un moyen de stocker de l’énergie.
- C’est un gaz de synthèse. Il n’existe à l’état naturel que sous forme de traces. Il n’y a pas de gisement exploitable à grande échelle comme le gaz naturel par exemple. L’hydrogène peut en revanche être synthétisé à partir d’hydrocarbures (vaporeformage, gazéification) ou d’eau (électrolyse). Dans tous les cas, la production d’hydrogène consomme de l’énergie (électricité, gaz naturel, etc.).
- Il peut être converti en chaleur ou en électricité. L’hydrogène peut se combiner avec l’oxygène pour faire de l’eau en produisant de l’énergie. Lorsque l’hydrogène est brûlé, cette énergie est générée sous forme de chaleur à haute température. Lorsqu’il est utilisé dans une pile à combustible, elle est générée sous forme d’électricité et de pertes thermiques.
- Il a un haut contenu énergétique par unité de masse… Le contenu énergétique de l’hydrogène est important quand on le ramène à sa masse. Il a, en effet, un PCI (Pouvoir Calorifique Inférieur) de 33 kWh/kg, soit 2 fois plus que le gaz naturel et 3 fois plus que l’essence.
- … Mais faible par unité de volume. Ramené au volume, le PCI de l’hydrogène est de 3,0 kWh/Nm3, soit 3 fois moins que le gaz naturel et 10 000 fois moins que l’essence.
Mais c’est aussi un intermédiaire utilisé dans l’industrie pour ses propriétés, notamment chimiques.
- C’est un précurseur de l’ammoniac, un autre gaz de synthèse très utilisé dans l’industrie.
- Il s’agit d’un gaz réducteur, ce qui lui permet de se substituer au charbon dans certaines réactions chimiques.
L’hydrogène, comment le produit-on ?
L’hydrogène existe à l’état naturel dans certaines cavités souterraines mais l’exploitation de ces gisements est actuellement peu développée et comporte beaucoup d’incertitudes. Actuellement, un seul gisement est exploité dans le monde et se trouve au Mali. Celui-ci produit environ 40 t/an d’hydrogène, à mettre en rapport avec les 70 millions de tonnes d’hydrogènes consommés annuellement.
En dehors de la part actuellement anecdotique d’hydrogène extrait du sous-sol, il s’agit donc d’un gaz fabriqué par l’homme pour lequel de nombreux modes de production différents existent.
Pour labelliser de manière pédagogique ces modes de productions plus ou moins vertueux, on affecte généralement à un mode de production une couleur. Bien que l’hydrogène soit un gaz invisible, on parle donc d’hydrogène gris, vert, bleu… (voir tableau ci-dessous).
Source originale : https://www.youtube.com/channel/UCtUvIm4yQx2NOJ7zOkWXvXw/videos (avec ajout de Coretec hydrogène blanc)
On présentera, dans cet article, 3 modes de production de l’hydrogène : le vaporeformage du méthane, l’électrolyse traditionnelle de l’eau et l’électrolyse haute température de l’eau.
FOCUS N°1 : VAPOREFORMAGE DU METHANE
Le vaporeformage du méthane est une méthode à empreinte carbone élevée qui consiste à convertir du méthane et de la vapeur d’eau, en CO2 et hydrogène suivant la réaction globale suivante :
La réaction se fait à haute température et en deux étapes (étape 1 entre 800 à 900 °C, puis étape 2 entre 200 et 400 °C). En aval du vaporeformage proprement dit, on effectue généralement une séparation du CO2 et de l’hydrogène produits pour avoir le niveau de pureté souhaité sur l’hydrogène.
Coretec n’intervient pas sur les projets de production d’hydrogène par reformage de méthane.
FOCUS N°2 : ELECTROLYSE TRADITIONNELLE DE L’EAU
L’électrolyse de l’eau est une méthode de production d’hydrogène consommant de l’électricité. L’empreinte carbone est donc dépendante du caractère carboné ou non de l’électricité du réseau. La réaction d’électrolyse est la suivante :
Les deux technologies principales existant sur le marché partent d’une eau sous forme liquide et produisent de l’hydrogène et de l’oxygène sous forme gazeuse.
Electrolyse Alcaline C’est la technologie la plus ancienne et la moins chère (pas de matériaux nobles). En charge constante, elle est fiable et robuste. |
Electrolyse PEM (Proton Exchange Membrane). Technologie plus récente, elle comporte des matériaux nobles et permet notamment d’être compatible avec des productions électriques transitoires. |
Source images : https://www.youtube.com/channel/UCtUvIm4yQx2NOJ7zOkWXvXw/videos
Toute l’énergie nécessaire à la dissociation de la molécule H2O (liquide) étant apportée sous forme d’électricité, l’énergie électrique nécessaire à la production d’hydrogène est similaire : environ 47 à 56 kWh/kg. La valeur théorique minimale (sans pertes thermique) pour cette dissociation depuis H2O liquide est de 39 kWh/kg.
Les principaux équipements de tels électrolyseurs, réalisés à l’échelle industrielle (10-20 MWe), sont détaillés sur une vue 3D du fournisseur NEL sur ce lien.
Divers fabricants proposent ce type d’électrolyseurs : NEL, GHS, Plug Power, Siemens Energy, John Cockerill, McPhy Energy, ITM Power etc.
FOCUS N°3 : ELECTROLYSE HAUTE TEMPERATURE DE L’EAU
L’électrolyse haute température de l’eau se base sur la réaction d’électrolyse de l’eau, mais une partie de l’énergie est également apportée sous forme de chaleur pour une production de vapeur à 150 °C environ (source). Ce cas de figure se rencontre typiquement en récupération d’énergie sur un procédé industriel. Dans un premier temps, l’eau est vaporisée et dans un second temps, l’électrolyse est effectuée.
L’électrolyse haute température est une technologie basée sur les oxydes solides (assemblage de matières en céramique). Les températures atteintes dans les électrolyseurs sont comprises entre 450 °C et 1000 °C. L’énergie apportée sous forme électrique est d’environ 40 kWh/kg et celle sous forme de chaleur d’environ 6-7 kWh/kg (source). Le procédé est donc moins gourmand en électricité que l’électrolyse traditionnelle de l’eau : il en consomme environ 15 à 30 % de moins.
En France, elle est principalement portée par la société Genvia et est actuellement en cours de démonstration avec un lancement industriel prévu pour 2026.
Image source : https://www.youtube.com/channel/UCtUvIm4yQx2NOJ7zOkWXvXw/videos
L’hydrogène, comment le stocker et le distribuer ?
Le stockage et la distribution d’hydrogène sont relativement complexes du fait du volume important occupé par l’hydrogène gazeux. Mais également, du fait du caractère corrosif de l’hydrogène sur les tuyauteries d’acier non allié. Suivant les cas d’usages, on transporte l’hydrogène à plus ou moins haute pression, voire sous une forme liquide ou d’ammoniac.
Stockage longue durée
Le stockage en cavité saline permet de stocker de l’hydrogène sur de longues durées. Ce stockage sous forme gazeuse peut se faire dans certains cas à plus de 200 bar et sur des volumes compris entre 50 000 et 1 000 000 m3. Il s’agit d’un mode de stockage encore marginal (il y a environ 10 cavités dédiées au stockage d’hydrogène au niveau mondial sur près de 2000 en tout), mais que différents acteurs souhaitent développer parallèlement au développement d’hydrogène d’origine renouvelable à production intermittente.
(source : https://www.geostockgroup.com/quatre-procedes-pour-stocker-de-grandes-quantites-hydrogene/)
Stockage pour applications fixes
Le stockage pour des applications fixes peut se faire dans un contexte industriel jusqu’à des pressions de 700 bars. Cela permet de stocker avec une densité de 40 kg/m3.
Transport terrestre & maritime
Le transport de l’hydrogène par camion se fait à des pressions allant de 150 à 250 bar, ce qui permet de transporter jusqu’à 600 kg par camion (l’hydrogène représente seulement quelques % du poids par rapport au contenant). C’est l’option la plus courante pour des distances allant jusqu’à 400 km.
Le transport de l’hydrogène par pipeline est également une option pour des distances plus longues, cependant il nécessite l’utilisation de réseaux spécifiques en acier inoxydable : les réseaux aciers utilisés pour le gaz naturel ne sont généralement pas adaptés. Les opérateurs de ces réseaux limitent généralement la teneur en H2 entre 2% et 10 %. C’est donc un moyen de transport nécessitant des infrastructures spécifiques et donc limité à la desserte de zones fortement consommatrices d’hydrogène.
Enfin, le transport maritime pour des expéditions intercontinentales doit se faire avec un produit plus dense que l’hydrogène gazeux pour être rentable. Deux options principales sont envisagées : le transport d’hydrogène liquide à -235 °C, ou bien d’ammoniac (conversion depuis et vers l’hydrogène possible par réactions chimiques). Dans les deux cas, la conversion vers et depuis l’hydrogène gazeux est coûteuse en énergie (entre 15 % et 30 % de l’énergie initiale), auquel il faut ajouter le coût du transport lui-même. Le surcoût peut faire doubler voire quadrupler le coût de l’hydrogène produit.
(source : https://leonard.vinci.com/transport-et-stockage-dhydrogene/)
L’hydrogène, son rôle dans la transition énergétique
Les usages actuels
Vis-à-vis de la transition énergétique, l’hydrogène est aujourd’hui plus un problème qu’une solution. En France, la production existante d’hydrogène est d’environ 900 000 tonnes de H2, ayant une empreinte carbone de 10 000 000 tonnes de CO2/an. Ceci représente 2,4 % des émissions domestiques et la décarbonation totale à usage constant de cet hydrogène représenterait une augmentation de 10 % de la consommation électrique française actuelle.
Les usages actuels de l’hydrogène sont les suivants :
- 60 % en raffinage pour la désulfuration des carburants
- 25 % en production d’ammoniac pour la production d’engrais principalement
- 10 % en chimie comme intermédiaire de réaction
- 5 % sur d’autres usages : verrerie, agro-alimentaire, électronique, métallurgie
(Source : Développement de la filière hydrogène : quels usages privilégier ? Quels défis surmonter ?)
Il est également courant que l’hydrogène soit brûlé pour être valorisé énergétiquement, notamment lorsqu’il est produit de manière fatale sur un procédé industriel en trop petite quantité pour être exporté et sans usage évident à proximité.
Compte tenu de la situation actuelle, il est important de :
- Travailler à la décarbonation de l’hydrogène consommé,
- Mais avant tout de limiter les usages de l’hydrogène autant que possible pour éviter une sollicitation trop importante du réseau électrique. (par exemple : limiter de la consommation de carburants, d’engrais…)
Décarbonation de l’acier
L’utilisation de l’hydrogène pour la décarbonation de l’acier (procédé DRI : « Direct Reduction of Iron ») est un nouvel usage assez généralement considéré comme important. Il est décrit comme prioritaire par plusieurs organisations indépendantes (The Shift Project, Negawatt).
En effet, la production d’acier est très émettrice de CO2 et l’utilisation d’hydrogène est (après le recyclage de la ferraille) la principale voie pour réduire l’intensité carbone de la production d’acier. Le besoin d’hydrogène pour produire 1 kt d’acier est de 55 t de H2.
(sources : https://www.usinenouvelle.com/editorial/reperes-recyclage-ccus-hydrogene-sept-voies-pour-decarboner-la-production-d-acier.N1174272
et « PTEF – Décarboner l’industrie sans la saborder », page 35)
Pour basculer toute la production d’acier non recyclé actuellement produit, le besoin en hydrogène et en électricité est donné ci-dessous (avec 52 kWh/kg H2 en besoin électrique).
Usage en combustion
Les usages en combustion n’ont pas vocation à évoluer significativement par rapport aux usages actuels.
En effet :
- Pour de petits producteurs d’hydrogène fatal, il sera toujours pertinent de le valoriser en combustion, si aucun autre usage n’est disponible.
- Pour les sites consommateurs de gaz naturel sans production fatale d’hydrogène, le passage à l’hydrogène (brûleurs H2-ready) ne semble pas pertinent ; c’est en particulier le cas pour les brûleurs de chaudières. En effet, la sobriété est nécessaire sur les usages de l’hydrogène du fait de son caractère gourmand en électricité. Pour décarboner ces usages d’ordre énergétique, d’autres solutions plus intéressantes techniquement et économiquement existent (récupération d’énergie, électrification directe, utilisation de pompes à chaleur suivant les usages…).
Le rendement énergétique de bout en bout sur un usage en chaudière est estimé à 54 % environ (données issues de la fiche technique ADEME de 2020 sur le rendement de la chaîne hydrogène et hypothèse de 95 % de rendement chaudière). A titre de comparaison, une électrification directe de la production de vapeur a un rendement proche de 100 %.
Usage pour la mobilité
Dans le cadre d’un usage pour la mobilité, l’hydrogène est vu comme un moyen de conserver autant que possible les caractéristiques très intéressantes des carburants fossiles liquides. Il possède une haute densité énergétique embarquée tant en volume qu’en masse. Pour cela, l’hydrogène doit être compressé à très haute pression, généralement entre 350 bar et 700 bar.
- En termes d’autonomie : un stockage à 700 bars conduit à une autonomie généralement meilleure que les batteries électriques. Elle reste cependant inférieure à celle avec l’essence ou du gasoil.
- En termes de rendement : Le rendement calculé depuis la consommation électrique du réseau jusqu’à la puissance mécanique utile du véhicule conduit à une efficacité énergétique bien moindre que l’électrification directe ou l’utilisation de batteries. Ce rendement est d’environ 23 % pour un véhicule à hydrogène carburant contre environ 70 % pour un véhicule à batteries (calcul réalisé à partir de la fiche technique ADEME précédemment mentionnée).
Suivant le type de mobilité, des alternatives plus sobres existent, ou sont en étude, et peuvent être privilégiées.
- Pour la mobilité légère, le stockage par batterie permet certes moins d’autonomie, mais offre un rendement énergétique bien plus important. Le manque d’autonomie peut cependant être compensé par un bon maillage du territoire en stations de recharges et par des temps de chargement réduits.
- En milieu urbain, les transports en commun sont relativement faciles à électrifier (tramway, bus électrique, métro).
- Pour le fret et le transport longue distance, le train (électrification directe) peut être privilégié même s’il ne maille pas tout le territoire.
- Sur le réseau autoroutier, plusieurs technologies d’électrification directe sont en cours d’étude. Elles ne sont cependant pas encore toutes matures, ni généralisées.
Il y a cependant certains cas spécifiques comme la mobilité lourde en zones rurales, pour lequel il est complexe d’envisager des alternatives plus sobres que l’hydrogène. Malgré son coût énergétique important, l’hydrogène pour la mobilité a donc du sens pour ces usages spécifiques.
Usage pour la flexibilité des réseaux
Pour accompagner une pénétration plus importante des énergies renouvelables, l’hydrogène est vu comme un moyen de stocker et restituer le surplus de production électrique avec un intervalle de temps assez long (stockage inter-saisonnier).
Cependant, cela doit rester une stratégie de flexibilisation du réseau électrique parmi d’autres car le stockage via l’hydrogène ne permet de restituer que 23 % de l’énergie initialement stockée.
- Pour des durées de stockage plus courtes, on privilégiera des solutions de type volant d’inertie ou batteries
- Pour des stockages longue durées, on privilégiera l’utilisation de STEP dans la limite des capacités disponibles.
- L’effacement et le décalage temporel de certains consommateurs est également une solution à développer en complément des solutions techniques.
Source de l’image : ADEME – 2020 (lien)
Conclusion
De nombreux nouveaux usages sont imaginés pour l’hydrogène. Il convient de faire le tri entre eux pour développer en priorité les usages pour lesquels il n’y a aucune alternative satisfaisante actuellement.
- C’est généralement le cas pour les usages de l’hydrogène comme réactif chimique (production d’engrais ou d’acier)
- C’est moins souvent le cas pour les usages de l’hydrogène comme vecteur énergétique (carburant, combustible…), pour lesquels des alternatives plus sobres existent généralement.
Le parc électrique français doit être adapté pour assumer la décarbonation des usages existants et les nouveaux usages de l’hydrogène.
Et Coretec dans tout ça ?
Comment Coretec peut vous accompagner dans vos projets en lien avec l’hydrogène ?
Du fait de notre expertise dans les utilités industrielles, nous pouvons accompagner : les BE spécialisés dans l’hydrogène, les industriels, ainsi que les fabricants de matériel sur les thématiques suivantes :
- Conception et réalisation de panoplies hydrogène pour tous type d’usage
- Valorisation d’hydrogène fatal & gaz pauvres en combustion
- Lots BOP (« Balance Of Plants ») sur des électrolyseurs traditionnels et haute température
- Etude de décarbonation des utilités industrielles (alternatives aux brûleurs H2-ready pour les industriels sans production fatale d’hydrogène)
Nos références, non-confidentielles, en valorisation d’hydrogène fatal et/ou gaz pauvres :
- Etude VENCOREX : Etude de faisabilité production de vapeur en valorisant des flux d’hydrogène provenant de l’électrolyse
- Etude PC LOOS : Etude pour intégration d’un moteur hydrogène et de la récupération de chaleur
- BORDET : Projet de chaufferie vapeur 4 T/h alimentée par des combustibles de récupération syngas et goudrons.
Autre référence sur une étude de décarbonation d’un site industriel :
- SITE CHIMIQUE : Etude énergétique et environnementale du site, afin de construire sa feuille de route de décarbonation.