Décarboner le gaz, c’est possible avec le biométhane !
PERSPECTIVES DU GAZ
Dans un contexte de transition écologique, les organisations cherchent à réduire les émissions et inspirer des modes d’approvisionnement plus vertueux. C’est le cas de la filière gaz, qui est en constante innovation et à la recherche du moyen d’approvisionnement le plus vert possible. La première étape du gaz naturel avait été engagée il y a quelques années, mais ne suffit plus. La prochaine étape est donc de substituer cette production issue d’énergies fossiles, par des productions d’origine renouvelable. Ainsi, il existe plusieurs procédés, qui vous sont présentés ci-dessous.
Voici un graphique représentant les projections de GRT Gaz en matière d’approvisionnement gaz à horizon 2030 et 2050 :Source : Perspectives Gaz 2022, opérateurs de réseaux gaz, juillet 2022, https://www.grtgaz.com/sites/default/files/2022-07/Rapport_PerspectivesGaz2022_Web.pdf
On peut constater que selon GRT Gaz, le gaz naturel devrait être substitué de plus en plus pour finalement disparaitre à horizon 2050, laissant place à d’autres production comme la méthanisation, la gazéification hydrothermale, la pyrogazéification ou encore la méthanation. De plus, on constate que les projections schématisées ci-dessus estimeraient une diminution des approvisionnements de gaz d’environ 50% entre 2020 et 2050, passant de 469 TWh PCS à 235 TWh PCS.
Les objectifs fixés pour permettre cette projection sont :
- La baisse des consommations énergétique afin d’atteindre la sobriété énergétique grâce à des systèmes d’optimisation tel que la valorisation de chaleur fatale ou la conversion du gaz par du bois ou de l’électricité.
- Le changement des usages du gaz en les adaptant à un mode plus vertueux tel que la diminution de chauffe à de basses températures, l’augmentation de la mobilité lourde ou encore de l’appoint-secours dans l’industrie.
- La modification du mix-gaz afin de passer d’un mix fossile à un mix 100% renouvelable à horizon 2050
- L’adaptation des infrastructures pour ne plus importer en 2050 et fonctionner en rebours.
Cependant, si l’on compare cette projection avec celle de l’ADEME ou de négaWatt, on constate des niveaux de consommation du méthane et des efforts de diminution différents suivant les secteurs. Le scénario médiant de « Perspectives Gaz » correspond en volume à un scénario de l’ADEME (S3), qui indique une consommation d’un peu plus de 50 TWh PCS en 2050 pour l’industrie (contre un peu plus de 140 TWh PCS en 2020).
Source : Perspectives Gaz 2022, opérateurs de réseaux gaz, juillet 2022, https://www.grtgaz.com/sites/default/files/2022-07/Rapport_PerspectivesGaz2022_Web.pdf
LE BIOMETHANE
Afin de substituer la production de gaz d’origine fossile, il existe à l’heure actuelle 4 technologies de production de biométhane plus ou moins matures.
LA METHANISATION
Phénomène biologique par lequel des déchets biomasse sont transformés en énergie renouvelable, qui sera injectée sur le réseau de gaz. Cette énergie sortant de la méthanisation est appelée « biométhane », c’est une version épurée du biogaz.
Maturité de la solution : 4/4
Pour en savoir + : https://agriseudre-energies.fr/methanisation/
LA PYROGAZEIFICATION
Phénomène par lequel des déchets biomasse ou CSR sont transformés en énergie renouvelable, qui sera injectée sur le réseau de gaz. La pyrogazéification des déchets consiste à les chauffer à hautes températures en absence ou défaut d’oxygène. Le mélange de molécules résultant de la matière décomposée est appelé « gaz de synthèse » ou « biogaz », il devra ensuite être transformé pour obtenir du biométhane et être injecté au réseau gazier.
Maturité de la solution : 3/4
Source : GRDF
Pour en savoir + : https://www.grdf.fr/institutionnel/role-transition-ecologique/gaz-vert/revolution-gaz/pyrogazeification
LA METHANATION (ou Power-to-gas)
Phénomène permettant de transformer le courant électrique, issu d’éolienne ou solaire, en gaz. Le principe sera de réaliser une électrolyse pour casser les molécules d’eau et séparer l’oxygène de l’hydrogène. En associant cet hydrogène avec du Co2, on obtient un méthane de synthèse résultat de la méthanation. Cette solution peut permettre de stocker dans le réseau de gaz un excédent de production d’électricité.
Maturité de la solution : 2/4
Source : GRDF
Pour en savoir + : https://www.grdf.fr/institutionnel/role-transition-ecologique/gaz-vert/revolution-gaz/definition-power-to-gas
LA GAZEIFICATION HYDROTHERMALE
Phénomène par lequel des déchets biomasse liquides sont transformés en énergie renouvelable, qui sera injectée sur le réseau de gaz. Ce gaz de synthèse résulte de la compression des déchets et de la chauffe de ceux-ci à forte température.
Maturité de la solution : 2/4
Source : GRDF
Pour en savoir + : https://www.grtgaz.com/nosenergies/gaz-issus-de-matieres-humides/comprendre-la-gazeification-hydrothermale-en-5-points
Avantages du biométhane :
- Réduction des émissions de gaz à effet de serre (en remplacement d’énergie fossile)
- Utilise les infrastructures gaz existantes pour les mêmes usages que le gaz naturel
- Propose une solution de traitement des déchets
- Produit de l’énergie localement et en continu
- Souveraineté énergétique
- Balance commerciale
- Energie stockable
- Apporte une diversification au secteur agricole
- Permet la valorisation de co-produits
Inconvénients et points de vigilance du biométhane :
- Réseau de transport gaz devant se trouver à proximité pour permettre l’injection
- Déchets devant être disponibles dans la durée pour créer une filière rentable
- Besoin de qualité et quantité des intrants et déchets
- Nécessité de traitement et valorisation des digestats
Synthèse :
Globalement, des solutions de production de biométhane existent. La méthanisation est actuellement la solution la plus mature et est déjà développée en France. Elle pourrait constituer, à horizon 2050, une grande part de l’approvisionnement gazier du territoire. De plus, elle possède de nombreux avantages pour toutes les parties prenantes et ses inconvénients sont en fait des points de vigilance.
En parallèle, il existe 3 autres technologies qui se trouvent dans des stades de développement encourageants, notamment la pyrogazéification et la gazéification hydrothermale. De premiers projets sont en train de voir le jour. Concernant la méthanation, cette technologie est plus complexe.
Le cadre réglementaire est d’ailleurs ouvert pour un développement industriel du biométhane issu d’autres technologies que la méthanisation. Deux décrets ont été publiés dans ce sens :
L’article 3 du décret n°2021-1273 du 30 septembre 2021 porte sur la modification de la partie réglementaire du code de l’énergie concernant les dispositions particulières relatives à la vente de biogaz : modification de la définition de biogaz et biométhane.
Le décret n°2021-1280 du 1er octobre 2021, concerne les appels à projets pour les installations de production de biogaz qui souhaitent bénéficier d’un contrat d’expérimentation.
En matière de décarbonation, le biométhane est donc une solution à prendre en compte et qui peut convenir à de nombreux projets industriels. Il permet une décarbonation progressive et sans modification des installations industrielles, en dehors des adaptations pour améliorer l’efficacité énergétique. D’ailleurs, en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il représente en scope 1 une diminution de 99% des émissions (environ 1.56e-3 kg CO2/kWh PCI) et de 80% en bilan gaz à effet de serre complet (environ 0.0444 kg CO2/kWh PCI).
LE MARCHE DU BIOMETHANE
En 2020, l’état de la production de biométhane en Europe était le suivant :
Les pays européens les plus avancés en termes de production biométhane sont l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Danemark avec une production se situant entre 4 et 11.2 GWhs. La France, quant à elle, se positionne 4ème pays européen de production de biométhane (2GWh). Cependant, ces chiffres ne sont qu’un premier pas vers un objectif bien plus ambitieux.
En effet, les projections de GRT Gaz, d’ici 2030, annoncent un développement important des productions de biométhane, et notamment en France :
Nous pouvons observer que les projections de développement des solutions de gazéification thermique (pyrogazéification et gazéification hydrothermale) restent faibles (7% de la production contre 93% de méthanisation), mise à part en Suède où elle représente 50% de la production du pays. D’ici 2030, la commission européenne envisagerait une production de biométhane d’environ 35 milliards de mètres cubes par an (bcm), soit plus de 20% des importations actuelles de gaz de l’UE depuis la Russie.
Source : https://www.grtgaz.com/medias/actualites/commission-europeenne-et-ambition-production-biomethane
A horizon 2050, les niveaux de productions devraient atteindre jusqu’à 22 milliards de mètres cubes /an.
De plus, d’ici 2050, les perspectives de développement des solutions de gazéification thermiques sont significatives, pour atteindre environ 40% des productions de biométhane contre 60% de méthanisation (la Suède étant un des rares pays à la favoriser largement).
Actuellement, la France est dans une dynamique de croissance du biométhane dans tous les secteurs, le plus représenté étant celui de méthanisation agricole. Elle compte, au 1er juin 2023, 564 sites d’injection de biométhane, ce qui représente une capacité de 10 097 GWh/an.
Ce chiffre n’a cessé d’évoluer depuis 2015 et n’est pas près de ralentir au vu des projections précédentes. D’ailleurs, c’est plus de 830 projets qui sont déjà inscrits au 1er trimestre 2023, pour une capacité totale d’injection de plus de 15 400 GWh/an.
Le nombre de projets et d’installations est en fort développement, porté par la dynamique globale décrite précédemment :
- En termes de nombre de projets, ce sont les méthanisations agricoles qui se développent fortement.
- En termes de capacités de production, les projets industriels présentent des perspectives potentielles très importantes.
Mais quel est le coût du biométhane ?
En 2020, les coûts liés à la production et distribution de biométhane, étaient situés entre 85 et 110 €HT /MWh en fonction de la taille des installations et donc du volume de gaz injecté en continu.
Sur la période 2015-2020, le LCOE (Levelized Cost of Energy, Coût Moyen Production de l’Energie) des installations de méthanisation en injection a connu une légère baisse d’environ 5 %. Ce léger recul des coûts s’explique uniquement par la baisse des taux d’actualisation, qui traduit de meilleures conditions de financement des projets.
LES GARANTIES D’ORIGINE
Qu’est-ce que c’est ?
Les fournisseurs de gaz, ainsi que les consommateurs industriels sont de plus en plus sensibles à une consommation d’énergie renouvelable, dite « verte ». Cependant, une fois sur le réseau de gaz, il est impossible de distinguer une source d’énergie d’origine renouvelable, d’une source d’énergie d’origine fossile.
Ainsi, pour prouver l’origine de l’énergie consommée, il a été créé un système afin de suivre la production et consommation d’énergie dite « verte », on l’appelle les Garanties d’Origine (GO). Ce dispositif a d’abord été développé à échelle nationale, puis a été harmonisé au niveau européen pour assurer la continuité du suivi de l’énergie entre les différents états.
Une Garantie d’Origine est un document électronique qui permet la traçabilité du biométhane injecté dans le réseau de gaz entre la production et la consommation. La Garantie d’Origine assure au client final le caractère renouvelable de la source d’énergie consommée.
Qu’est-ce que cela implique ?
- Les GO ont d’abord été créée pour permettre de financer des projets et ainsi encourager le développement de la filière biométhane. Ce certificat est délivré par l’Etat français et récemment porté également par l’UE. Avec l’argent issu de la vente des GO et valorisé dans la filière biométhane, l’Etat finance des projets pour le tertiaire et l’industrie, mais aussi de bioGNC ou encore de RCU.
- Elles permettent également la traçabilité du biométhane injecté sur le réseau gazier afin d’estimer la composition du réseau en continu.
- Côté consommateur, il réduit ses émissions de CO2 grâce à l’obtention de GO pour ses installations consommant du gaz, ce qui pour les sites soumis à l’EU ETS limite les quotas CO2 qu’ils doivent obtenir. En effet, en achetant ces certificats, le consommateur prouve qu’il limite son empreinte carbone et participe au financement des projets de la filière biométhane.
Comment ça fonctionne ?
Pour 1MWh de biométhane produit, 1 garantie d’origine est délivrée au producteur. La demande de GO doit être adressée (par le fournisseur/producteur) au plus tard cinq mois après le dernier jour de la période d’injection faisant l’objet de la demande.
Celui-ci les revend ensuite à ses fournisseurs de gaz, qui, eux-mêmes, les revendent à leurs clients finaux.
Une fois consommée ou achetée, la garantie d’origine ne peut plus être utilisée et a une durée de vie de 12 mois à partir de sa production.
Actuellement, le réseau gazier français est composé d’environ 400 TWh (110TWh sont consommés par des industriels territoriaux) dont seulement 10TWh sont issus de production de biométhane. Il n’y a donc pas assez de GO pour tous les clients intéressés.
Il existe deux stratégies et deux types d’acteurs qui sont autorisés sur le registre de Garanties d’Origine :
- Les fournisseurs d’énergie disposant d’une autorisation de fourniture de gaz naturel sur le marché français : contrat d’achat de gaz vert auprès d’un fournisseur de gaz
- Les acheteurs non-fournisseurs désirant acheter directement sur le registre des GO correspondant à leur propre consommation : contrat d’achat de gré à gré, l’industriel peut lui-même devenir producteur de biométhane (https://act4gaz.grdf.fr/consommer-du-gaz-vert-des-aujourdhui-0)
Quel impact pour l’industriel sur les émissions de CO2 ?
Le statut du biométhane pour les déclarations d’émissions de gaz à effet de serre (GES) dépend du cadre réglementaire (ex : EU-ETS, bilan BEGES) ou volontaire (ex : engagement SBTi) dans lequel l’industriel réalise cette déclaration ainsi que de la méthodologie utilisée pour cette déclaration qui peut être, selon les cadres de déclaration, imposée ou non.
Comme indiqué précédemment dans cet article, l’impact du biométhane sur les émissions de CO2 du consommateur est significatif :
- Diminution de 99% des émissions (environ 1.56e-3 kg CO2/kWh PCI) en scope 1.
- Diminution de 80% des émissions (environ 0.0444 kg CO2/kWh PCI) en bilan gaz à effet de serre complet.
Les textes réglementaires évoluent avec la filière afin de fixer les règles pour permettre aux industriels de décarboner leur production par la consommation de biométhane.
Le Décret n° 2022-1540 du 8 décembre 2022 précise comment affecter réglementairement les réductions des émissions de GES associées au biométhane injecté dans les réseaux de gaz.
- 36% des garanties d’origine France issues d’installations de production bénéficiant de tarifs d’achat réglementés pourront être utilisées pour réduire les émissions de GES comptabilisées au titre de l’EU-ETS par les industriels (ou SEQE-EU).
L’autre partie sera comptabilisée par la France au titre de l’ESR (Obligations fixées par le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018, émissions de GES dites du partage de l’effort). - Toutes les garanties d’origine France issues d’installations de production sans tarifs d’achat réglementés (Biomethane Purchase Agreement ou BPA) pourront être utilisées pour réduire les émissions de GES comptabilisées au titre de l’EU-ETS par les industriels.
- Pour des garanties d’origine émises dans d’autres États membres EU, la réduction des émissions de GES pourra être comptabilisée au titre de l’EU-ETS si cette réduction n’a pas déjà été comptabilisée dans un autre dispositif (pas de double comptage).
Les garanties d’origine (GO) sont éligibles dans les déclarations EU-ETS à condition que le biométhane soit certifié durable au sens de RED II par le producteur.
Sources : Décret n° 2022-1540 du 8 décembre 2022, règlement d’exécution (UE) 2020/2085 de la Commission du 14 décembre 2020, Base Empreinte ADEME)
En parallèle et à date, un certain nombre de cadres de comptabilité carbone internationaux (GHG Protocol par exemple) et de validation des ambitions de décarbonation (ex : SBTi) reconnaissent la valorisation des GO biométhane en utilisant la méthodologie « market Based ».
Le facteur d’émission du biométhane doit être choisi dans la littérature publique, comme https://base-empreinte.ademe.fr/ par exemple en France. Ce calcul « market based » devra obligatoirement être complété d’une deuxième méthodologie de comptabilisation appelée « location Based » qui ne valorisera pas les GO et prendra en compte un facteur d’émission égal à l’approvisionnement physique de réseau et d’une éventuelle livraison physique de biométhane, indépendamment de l’approvisionnement en GO.
À noter que des incertitudes pèsent sur cette possibilité d’utiliser du biométhane dans une approche « market based » depuis que le GHG Protocol a publié fin 2022 un projet de « Land Sector and Removals guidance » qui pourrait conduire à raisonner en « location based » uniquement. Cette proposition, loin d’être entérinée, a vivement fait réagir au niveau mondial. D’après nos meilleures informations, le « Land Sector and Removals guidance » final devrait être publié au premier semestre 2024
Et contrairement à la méthodologie GHG Protocol à date, la méthodologie Bilan Carbone® ADEME utilisée pour la déclaration du Bilan des Émissions de Gaz à Effet de Serre réglementaire (BEGES) ne permet pas la prise en compte des GO : « l’achat d’énergie garantie d’origine ou renouvelable […] ne peut être prise en compte directement pour la comptabilisation des émissions du bilan d’émissions de GES ». Toutefois, des informations sur la consommation d’énergie renouvelable peuvent être valorisées dans un champ séparé.
Des exemples récents existent dans l’industrie :
- Arkema signe un important contrat d’approvisionnement en biométhane avec ENGIE pour réduire davantage son empreinte carbone : 300 GWh/an sur 10 ans !
Voir une actu sur le sujet - Solvay décarbonise la production de son usine de Melle en France : conversion de biomasse en gaz renouvelable pour une unité de production de cyclopentanone.
Voir une actu sur le sujet
Pour compléter ces informations, avoir connaissance des dernières évolutions réglementaires et financières, et évoquer les possibilités de mise en œuvre, les gestionnaires des réseaux Gaz en France (GrDF et GRT GAZ) sont bien placés pour apporter des éléments de réponse à vos interrogations.